Quand on est un enfant, on pense que tout a toujours été comme au temps de notre enfance. Comme si le monde n’avait pas d’âge. C’était d’autant plus vrai que notre monde du temps était vraiment restreint. Je le répète : pas de téléphone, pas de radio. Mais nous avons été chanceux : mon père achetait un journal le dimanche. Et nous le « regardions » à genoux parterre.
Mais il y a des constatations que nous n’avons jamais faites et dont je n’ai pris conscience que sur le tard. Je dirais même jusqu’à tout récemment. C’est avant ma naissance que son grand-père à lui l’avait aidé à acheter la terre où je suis né. Je ne l’ai pas connu, il est mort quand j’étais trop jeune pour que m’en souvenir. Ce dont je viens de prendre nouvellement conscience, c’est que les édifices qui meublaient la propriété étaient d’une qualité proprement exceptionnelle. Maison, grange, porcherie, fournil et laiterie étaient d’une construction impeccable selon les méthodes du temps. La maison en pièces de cèdre, en planches sciées et rabotées à la main, la grange en pièces de charpente en souche que je n’ai pas revues ailleurs.
Nous nous sommes habitués à de l’équipement pour les sorties presque luxueuses pour le temps. L’été, nous allions à la messe dans un « buggy» noir que nous appelions un «rubbertye» parce que les roues étaient montées sur du caoutchouc. Nous devions le laver tous les samedis. L’hiver, nous sortions dans un « barlot» de luxe avec des clochettes et des décorations. La «boite à patates» était une voiture à tout faire. Surtout pour conduire les enfants à l’école quand il faisait mauvais. Et pour transporter les poches de a=patates à la «station» l’hiverquand les prix étaient bons.
Pour le travail, le «roulant «d’été et le «traînant» d’hiver étaient solides et d’excellente qualité. Je les nomme avec les appellations du temps. Les «sleighs» pour charroyer le bois, le wagon, une voiture roulante pour les attelages en double, la «wagine» pour un cheval seul, la «slaye» pour une charge légère sur la route.
Puis tout l’équipement de ferme : la charrue, la herse à disque, la herse à dents, le semoir, le planteur à patates, le grand râteau, la sarcleuse à patates, la «renchauseuse» à patates, l’arracheuse à patates, le rouleau après l’avoine, le gros moteur pour actionner le moulin à battre et le « botteur» pour le bois, etc. Pas de tracteur avant les années soixante.
Je pourrais continuer longtemps. Je ne citerai que les attelages des chevaux que mon père astiquait religieusement.
Vous avez sans doute remarqué que j’avais employé beaucoup de mots anglais parce que plusieurs de ces appareils étaient d’abord arrivés des États-Unis et que les noms étaient arrivés avec.
Dans le monde où j’ai été élevé, je n’ai jamais pris conscience de la qualité mon environnement. Les quatre vieux célibataires qui étaient déménagés dans une maison du village et qui vivaient encore avaient la réputation d’être plutôt riches et d’avoir pris bien soin de leur bien.
J’ai fini, bien tard, par en prendre conscience. Leurs bâtiments et leurs outils étaient particulièrement en bon état.
Mon étincelle : Le monde n’avance pas d’abord par ce signe : $. Mais par celui-là: ?